La ballade

La ballade est un poème de trois strophes et demie. Ces strophes peuvent être faites de huit octosyllabes, ou de dix décasyllabes. Elles contiennent respectivement trois ou quatre rimes, qui sont disposées ainsi qu'on peut le voir dans les exemples ci-dessous. La demi-strophe conclusive est appelée "envoi". Les trois strophes et l'envoi se terminent par le même vers.

"L'Envoi, classiquement, doit commencer par le mot : Prince, et il peut aussi commencer par les mots : Princesse, Roi, Reine, Sire; car, au commencement, les Ballades, comme tout le reste, ont été faites pour les rois et les seigneurs. (En réalité le mot Roi commençant l'Envoi de la Ballade désigna d'abord le roi d'un concours poétique; mais un mot ne peut être longtemps détourné de son sens propre, et ce sont là de trop subtiles fictions, avec lesquelles rompt tout de suite le bon sens populaire.) Il va sans dire que cette règle, même chez Gringore, Villon, Charles d'Orléans et Marot, subit de nombreuses exceptions, car on n'a pas toujours sous la main un prince à qui dédier sa Ballade. Mais, enfin, telle est la tradition. Dans l'Envoi qui termine les Ballades, ces mots : Prince, Princesse, Roi, Reine, Sire, sont souvent aussi employés symboliquement, pour exprimer une royauté tout idéale ou spirituelle. C'est ainsi qu'on dira : Prince des cœurs ou Reine de beauté, en s'adressant au dieu Amour ou à quelque dame illustre." Thédore de Banville - Petit traité de poésie française, 1872.


Ballade des pendus

Texte : François Villon
Musique : Gaël Liardon

Freres humains, qui après nous vivez,
N'ayez les cueurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez cy attachez, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne se rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

Se freres vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice... touteffois vous sçavez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassis.
Excusez nous, puis que sommes transis,
Envers le filz de la Vierge Marie :
Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

La pluye nous a buez et lavez
Et le soleil deseichez et noircis.
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourcilz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis :
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oyseaulx que dez à coudre.
Ne soiez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

Prince Jesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'ayons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de mocquerie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

François Villon (1431-?), L'Epitaphe Villon


Mes amours durent en tout temps

Texte : Clement Marot
Musique : Gaël Liardon

Volontiers en ce mois ici
La terre mue et renouvelle.
Maints amoureux en font ainsi,
Sujets à faire amour nouvelle
Par légèreté de cervelle,
Ou pour être ailleurs plus contents ;
Ma façon d'aimer n'est pas telle,
Mes amours durent en tout temps.

N'y a si belle dame aussi
De qui la beauté ne chancelle :
Par temps, maladie ou souci,
Laideur les tire en sa nacelle :
Mais rien ne peut enlaidir celle
Que servir sans fin je prétends ;
Et pour ce qu'elle est toujours belle,
Mes amours durent en tout temps.

Celle dont je dis tout ceci,
C'est Vertu, la nymphe éternelle,
Qui au mont d'honneur éclairci
Tous les vrais amoureux appelle :
'Venez, amans, venez (dit elle),
Venez à moi, je vous attends;
Venez (ce dit la jouvencelle),
Mes amours durent en tout temps.'

Prince, fais amie immortelle,
Et à la bien aimer entends ;
Lors pourras dire sans cautèle :
Mes amours durent en tout temps.

Clement Marot (1496-1544),
Chant de May et de Vertu