Le sonnet

Le sonnet est un poème de quatorze vers, partagé en deux parties de huit et six vers respectivement. La première partie contient deux rimes, et la seconde trois, qui peuvent être disposées de diverses manières. La première partie est partagée en deux quatrains, et la seconde en deux tercets.

Cette forme poétique est longuement expliquée par Guillaume Colletet dans son traité de 1658. Le sonnet est une forme dérivée de l'épigramme.

L'épigramme est un poème extrêmement court (un seul vers à l'origine), qui date de la Grèce antique. Son principe consiste à condenser en une phrase brève un message frappant, qui peut être moral, ou - très souvent - polémique voire insultant.


Dans le sonnet, le principe de l'épigramme se trouve dans le dernier vers. Celui-ci est la chute du poème, et doit concentrer en lui-même toute la raison d'être de ce qui précède, en présentant la synthèse du propos sous une forme frappante et inattendue. On appelle ce dernier vers le "trait".

Pour ce qui précède:

- les 8 premiers vers du sonnet exposent l'argument,
- les 6 derniers vers ré-exposent l'argument sous un autre jour; ils sont en quelque sorte le revers de la médaille, qui se conclut de façon frappante par le trait.

Le sonnet a été développé en Italie au XIVe siècle, principalement par Petrarca, qui est le modèle suprême du genre. En France, cette forme a eu un succès considérable à partir du milieu du XVIe siècle.

Repentir

Texte : Philippe Desportes, d'après Petrarca
Musique : Gaël Liardon

Je regrette en pleurant les jours mal employés
À suivre une beauté passagère et muable,
Sans m'élever au ciel et laisser mémorable
Maint haut et digne exemple aux esprits dévoyés.
 
Toi qui dans ton pur sang nos méfaits as noyés,
Juge doux, bénin père et sauveur pitoyable,
Las ! relève, ô Seigneur ! un pécheur misérable
Par qui ces vrais soupirs au ciel sont envoyés.
 
Si ma folle jeunesse a couru mainte année
Les fortunes d'amour, d'espoir abandonnée,
Qu'au port, en doux repos, j'accomplisse mes jours,
 
Que je meure en moi-même, afin qu'en toi je vive,
Que j'abhorre le monde et que, par ton secours,
La prison soit brisée où mon âme est captive.

Philippe Deportes (1546-1606)
I' vo piangendo i miei passati tempi
i quai posi in amar cosa mortale,
senza levarmi a volo, abbiend' io l' ale,
per dar forse di me non bassi exempi.

Tu che vedi i miei mali indegni et empi,
Re del cielo invisibile immortale,
soccorri a l' alma disvïata et frale,
e 'l suo defecto di Tua gratia adempi :

sí che, s'io vissi in guerra et in tempesta,
mora in pace et in porto ; et se la stanza
fu vana, almen sia la partita honesta.

A quel poco di viver che m'avanza
et al morir, degni esser Tua man presta :
Tu sai ben che 'n altrui non ò speranza.

Francesco Petrarca (1304-1374)



Ambition

Texte : Théophile Gautier (Poésies nouvelles)
Musique : Gaël Liardon

Poète, dans les cœurs mettre un écho sonore,
Remuer une foule avec ses passions,
Écrire sur l'airain ses moindres actions,
Faire luire son nom sur tous ceux qu'on adore ;

Courir en quatre pas du couchant à l'aurore,
Avoir un peuple fait de trente nations,
Voir la terre manquer à ses ambitions,
Être Napoléon, être plus grand encore !

Que sais-je? être Shakspeare, être Dante, être Dieu !
Quand on est tout cela, tout cela, c'est bien peu :
Le monde est plein de vous, le vide est dans votre âme...

Mais qui donc comblera l'abîme de ton cœur ?
Que veux-tu qu'on y jette, ô poète ! ô vainqueur ?
— Un mot d'amour tombé d'une bouche de femme !

Théophile Gautier (1811-1872)