La ballade
Ballade des pendus |
Texte
: François Villon
Musique : Gaël Liardon |
Freres humains, qui après nous
vivez, N'ayez les cueurs contre nous endurcis, Car, se pitié de nous povres avez, Dieu en aura plus tost de vous mercis. Vous nous voiez cy attachez, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne se rie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. Se freres vous clamons, pas n'en devez Avoir desdaing, quoy que fusmes occis Par justice... touteffois vous sçavez Que tous hommes n'ont pas le sens rassis. Excusez nous, puis que sommes transis, Envers le filz de la Vierge Marie : Que sa grace ne soit pour nous tarie, Nous preservant de l'infernale fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. La pluye nous a buez et lavez Et le soleil deseichez et noircis. Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez Et arraché la barbe et les sourcilz. Jamais nul temps nous ne sommes assis : Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d'oyseaulx que dez à coudre. Ne soiez donc de nostre confrairie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. Prince Jesus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A luy n'ayons que faire ne que souldre. Hommes, icy n'a point de mocquerie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. François Villon (1431-?), L'Epitaphe Villon |
Mes amours durent en tout temps |
Texte :
Clement Marot Musique : Gaël Liardon |
Volontiers en
ce mois ici La terre mue et renouvelle. Maints amoureux en font ainsi, Sujets à faire amour nouvelle Par légèreté de cervelle, Ou pour être ailleurs plus contents ; Ma façon d'aimer n'est pas telle, Mes amours durent en tout temps. N'y a si belle dame aussi De qui la beauté ne chancelle : Par temps, maladie ou souci, Laideur les tire en sa nacelle : Mais rien ne peut enlaidir celle Que servir sans fin je prétends ; Et pour ce qu'elle est toujours belle, Mes amours durent en tout temps. Celle dont je dis tout ceci, C'est Vertu, la nymphe éternelle, Qui au mont d'honneur éclairci Tous les vrais amoureux appelle : 'Venez, amans, venez (dit elle), Venez à moi, je vous attends; Venez (ce dit la jouvencelle), Mes amours durent en tout temps.' Prince, fais amie immortelle, Et à la bien aimer entends ; Lors pourras dire sans cautèle : Mes amours durent en tout temps. Clement Marot (1496-1544), Chant de May et de Vertu |