J'ai
souvent réfléchi à ce que pourrait être l'éducation de l'enfant.
Je pense qu'il faudrait des études de base, très simples, où
l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une
planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu'il
dépend de l'air, de l'eau, de tous les êtres vivants, et que la
moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.
Il apprendrait que
les hommes se sont entre-tués dans des guerres qui n'ont jamais fait
que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son
histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.
On lui apprendrait
assez du passé pour qu'il se sente relié aux hommes qui l'ont
précédé, pour qu'il les admire là où ils méritent de l'être,
sans s'en faire des idoles, non plus que du présent ou d'un
hypothétique avenir.
On essaierait de le
familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le
nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux
hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes
adolescents sous prétexte de biologie ; il apprendrait à donner les
premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la
présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des
grands malades et des morts.
On lui donnerait
aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société
est impossible, instruction que les écoles élémentaires et
moyennes n'osent plus donner dans ce pays.
En matière de
religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais
on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde,
et surtout de celles du pays où il se trouve, pour éveiller en lui
le respect et détruire d'avance certains odieux préjugés.
On lui apprendrait à
aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser
prendre à l'imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui
vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des
caries et des diabètes futurs.
Il y a certainement
un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes
plus tôt qu'on ne le fait.
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Les Yeux ouverts :
Entretiens avec Matthieu Galey (p. 255)
Propos sur l'écologie - 1981